Insultes et sorties verbales en entreprise, comment réagir ?

Insultes et sorties verbales en entreprise, comment réagir ?

 

Le 4 janvier 2022, Emmanuel MACRON a accordé un entretien au Parisien-Aujourd’hui en France dans lequel il a déclaré : « les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer à le faire, jusqu’au bout. C’est ça la stratégie ».

Ces propos ont été largement commentés sur les ondes et certaines personnes les ont jugés insultants.

En entreprise, comment distinguer ce qui relève de la liberté d’expression ou de son abus ? 💡

Quelles sont les limites à la liberté d’expression en entreprise ?

 

L’article L.1121-1 du Code du travail stipule que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Ainsi, par principe, le salarié jouit de la liberté d’expression dans l’entreprise et en dehors de celle-ci.

De plus, la liberté d’expression est un droit fondamental protégé par la Constitution, la Convention Européenne des droits de l’Homme, la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et la Déclaration universelle des droits de l’Homme

Ce droit s’exerce cependant sous réserve de l’abus de droit.

D’une manière générale, le salarié a bien sûr un devoir de correction à l’égard de son employeur mais aussi des autres salariés et des tiers à l’entreprise.

Selon, la jurisprudence, des propos particulièrement injurieux consistant notamment dans le dénigrement des services et/ou des membres du personnel de l’entreprise peuvent être constitutifs d’une faute grave, et notamment pour un supérieur devant le personnel qu’il est tenu d’encadrer. Cependant, des circonstances atténuantes peuvent être retenues.

D’un autre côté, la Cour de cassation a pu affirmer que « les circonstances dans lesquelles les propos ont été tenus sont de nature à exercer une influence sur la qualification de la faute » (Cass. Soc. 10 mai 1994 n° 2306) et que le salarié ne pouvait être licencié en raison des critiques qu’il a portées contre la société.

La question qui se pose de manière légitime est celle de la limite à partir de laquelle le salarié exerce son droit de manière abusive.

Comment est apprécié l’abus de droit dans l’exercice de la liberté d’expression ?

 

L’appréciation de l’éventuel abus de droit dans l’exercice de la liberté d’expression du salarié doit se faire in concreto, au regard des responsabilités qui lui sont confiées, du contexte des propos incriminés, du franc parler en usage dans l’entreprise ou le milieu professionnel.

Pour retenir ou non un abus de la liberté d’expression, les juges vont rechercher :

      • Si les propos reprochés à un salarié présentent un caractère diffamatoire et injurieux ou excessif ;
      • Tenir compte du contexte dans lequel les propos ont été tenus ;
      • Et apprécier la publicité qu’en a fait le salarié.

 

Les caractéristiques de l’abus de la liberté d’expression

Les propos d’un salarié n’ont pas le même poids si les insultes sont proférées publiquement devant d’autres salariés et sont de nature à humilier la personne insultée :

      • courriels adressés par un salarié à son supérieur hiérarchique, copie à des cadres de l’entreprise, par lesquels il l’accusait sans justification de méthodes malhonnêtes et de violation délibérée de la loi ;
      • propos outranciers et sans fondement tenus publiquement par un salarié mettant en cause l’honnêteté et la loyauté de l’actionnaire majoritaire ;

 

 ou s’ils sont tenus en privé ou dans un cercle restreint

      • Un cadre dirigeant n’abuse pas de sa liberté d’expression lorsqu’il profère dans un cercle restreint des critiques, même vives, concernant une nouvelle organisation ;
      • Une salariée qui avait tenu des propos injurieux à l’égard de son employeur dans un groupe Facebook fermé dénommé « extermination des directrices chieuses ».

 

Le juge examine également le contexte dans lequel ont été tenu les propos mis en cause. Certains contextes peuvent « excuser » les propos tenus. Les insultes peuvent être mises sur le compte d’un état d’exaspération, d’une violente émotion dans lequel se trouvait le salarié mis en cause, ou être proférées dans le cadre d’un conflit social par exemple.

L’univers professionnel doit aussi être pris en considération. Ce qui est admissible dans l’univers professionnel des chauffeurs routiers ou du BTP est moins toléré dans le milieu de la finance ou les services administratifs d’un siège par exemple.

Attention toutefois : chaque juge étant indépendant, l’appréciation peut être différente suivant le juge ou le tribunal.

L’employeur peut-il insulter ses salariés ?

 

Les prérogatives de l’employeur et l’usage normal de ses pouvoirs de direction et de contrôle ne peuvent l’autoriser à proférer des insultes à l’égard de ses salariés.

Le salarié qui subit des injures répétées sur le lieu de travail en lien avec son emploi et entraînant une dégradation de son état de santé, peut caractériser l’existence d’un harcèlement moral.

Toutefois, les juges prud’homaux semblent apprécier moins sévèrement des propos injurieux prononcés par l’employeur que lorsqu’ils le sont par un salarié.

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